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Au lion d'or
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  • C'est un roman autobiographique dont l'action se situe dans mes jeunes années. C'est, avant tout, une suite de petites histoires qui peuvent être lues séparement. Vous êtes bienvenue sur mon blog: "Au lion d'or"!
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3 mai 2007

La grande école

        Je n’ai aucun souvenir précis de l’école maternelle et donc je suppose que tout se passa bien. Pour l’école primaire, c’est totalement différent : les souvenirs abondent, et tous ne sont pas si plaisants.

Mon premier jour à la grande école avait été un déchirement pour moi : je sentais confusément qu’une page avait été tourné dans ma petite vie. Certes, je ne pleurais pas, mais le cœur n’y était pas. L’école était constituée d’une cour entourée de bâtiments assez anciens construits en meulière. L’allure générale de ceux-ci n’était pas désagréable, mais leur taille était impressionnante pour un gamin tel que moi. Je sentais que les choses allaient devenir plus sérieuses. D’ailleurs, mes parents et même la mère Michelle n’avaient pas cessé de le répéter : « Tu es un homme maintenant, tu vas bientôt aller à la grande école ». J’étais un petit garçon rondouillard, un peu timide, plutôt calme et d’un caractère gentil. J’étais, à cette époque, l’enfant unique que mes parents chérissaient et gâtait. Etre très cocooné a beaucoup d’avantages, mais aussi pas mal d’inconvénients : j’était un peu trop introverti. Le premier jour d’école allait être violemment inoubliable pour moi. Une fois dans la classe, le maître à blouse grise avait demandé nos noms, notre lieu de naissance et l’occupation de nos parents dans la vie. Il nous expliquait que la grande école c’était sérieux, que c’était comme une grande famille, qu’il était important qu’il nous connaisse mieux et que nous nous connaissions mieux entre nous. J’avais dit mon nom et que je n’était pas sûr, mais que je pensait que j’était né en Algérie et que je ne savais pas où l’Algérie se situait. Il avait noté les informations sur son grand cahier, comme pour les autres, puis avait relevé la tête, m’avait regardé par-dessus ses petites lunettes rondes, et avait dit d’une voie lointaine : « C’est intéressant, hum, très intéressant ! ». Je ne voyais pas ce qu’il y avait d’intéressant là dedans. L’heure de la récréation arriva très rapidement. Enfin, j’étais dehors. Je m’étais mis à l’écart des autres, contre un mur. C’était par timidité et non pas pour m’isoler des autres. Certains déjà s’amusaient, riaient et formaient des bandes. J’avais remarqué un garçon plus grand que moi - peut être avait-il deux ans de plus que moi – qui était le centre d’un petit groupe. Il parlait fort en faisant beaucoup de grimaces et de grands gestes au grand plaisir de son auditoire, il faisait beaucoup rire tout le monde. C’était sûr, c’était un « grand » qui n’était pas à sa première année à la grande école. A un moment, je le vis se diriger vers moi. Il avait un grand sourire et sa cour le suivait des yeux et riait de plus belle. Il paraissait gentil et sympathique, et je ne voyais aucune raison de me méfier de lui. Arrivé devant moi, il me demanda mon nom. Après ma réponse, il me demanda, avec un énorme sourire sur son visage, si c’était bien moi qui étais né en Algérie. Il me laissa à peine répondre et aussitôt me décocha un coup de poing sur le nez, qui me fit tomber par terre. Puis, son méfait accomplit, il s’éloigna de moi en s’esclaffant. J’était sur le sol, mon nez saignait, j’avais envie de pleurer mais aucune larme ne coulait de mes yeux : j’était trop abasourdi par ce qu’il venait de se passer. Un garçon de ma classe vint à ma rescousse, m’aida à me relever et me tendit son mouchoir pour que je l’applique sur le nez. Au bout de quelques minutes, le sang s’arrêta et quand je voulue rendre le mouchoir à son propriétaire, celui-ci me dit que je pouvait le garder. Je le mis dans la poche de ma blouse. Je voulus remercier mon nouveau copain mais cela ne fut pas possible car la sonnerie retentissait : la « récré » était finit, il fallait se mettre en rang et se taire. L’après midi, ma mère vint me chercher et m’emmenât sur son vélo. A la maison, quand elle se mit à enlever ma blouse, le mouchoir ensanglanté tomba sur le sol. Il me fallait maintenant donner des explications, et je racontai l’histoire à ma mère. Le lendemain, mon père, mis au courrant de ma mésaventure, vint me chercher à la sortie de l’école, puis demanda à voir le directeur de l’établissement. Nous fûmes introduit dans le grand bureau où trônait monsieur le directeur : un homme joviale qui nous recevait plus par obligation qu’autre chose. J’étais très impressionné. Après avoir entendu l’histoire de la bouche de mon père, il me posa des questions sur mon agresseur, puis il affirma qu’il ferait le nécessaire pour trouver le fautif, qu’il lui donnerait une punition bien méritée et qu’il saurait le forcer à présenter des excuses. Mon père, qui était passablement nerveux à cause de la situation, dit que c’était grave qu’un gamin en frappe un autre à cause du lieu de sa naissance, mais qu’un gamin de six ou sept ans qui fait cela ne le fait pas par haine et est certainement influencé par les conversations de ses parents à la maison et que c’était eux les fautifs. Le directeur acquiesça d’un : « Vous avez raison, mais que voulez vous qu’on y fasses ? » qui ne fit que rendre plus nerveux mon père. Il répondit aussitôt, qu’il voulait voir les parents de l’écolier. La rencontre fut organisée la semaine suivante dans le bureau du directeur. Il y avait là : mon père et moi-même, l’autre gamin et ses parents, et monsieur le directeur qui avait perdu de sa superbe. Le directeur nous présentâmes les uns aux autres, puis mon père demanda la parole et, calmement, tint le même discours qu’une semaine auparavant. Les parents de l’autre gamin, confus et rougissant répondirent au discourt en présentant des excuses accompagnées de : « Vous savez, on entend tellement de choses à la radio et, oui, oui, vous avez raison, on fera attention à l’avenir ! ».

Ce fut la première et la dernière fois qu’un gamin allait m’agresser pour des raisons racistes.

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