C’est plus pratique d’être assise là…
Un jour, ma mère appris que les « deux folles » du
rez-de-chaussée allaient bientôt déménager, et donc libérer leur appartement.
Certains disaient qu’elles devaient aller dans une maison de retraite, d’autres
que c’est dans un hôpital psychiatrique qu’elles iraient… Il est vrai qu’elles
avaient eu plusieurs fois des crises de démences, et que plusieurs fois elles
firent des séjours dans un établissement spécialisé. Ma mère parla de cette
opportunité à mon père, et ils décidèrent d’essayer d’obtenir ce logement.
Celui-ci était constitué d’un petit couloir, avec d’un coté des toilettes (les
seules toilettes à usage privatif de tout l’immeuble), puis une petite salle de
bain équipée d’une baignoire sabot, et de l’autre coté d’une petite cuisine. En
plus, il y avait des fenêtres qui donnaient sur les deux cotés de l’immeuble.
Il n’y avait pas de voisin à cet étage : l’appartement voisin seulement
accessible par le magasin servait de dépôt à celui-ci. Le couloir menait à une
large pièce à vivre et à une chambre. Ce logement était vraiment le seul de
l’immeuble qui offrait autant de confort ! Notre vie s’en trouverait
améliorée si nous habitions là. Mon père alla donc leur demander. Leur réponse
avait été des plus froides, et elles s’étaient montrées antipathiques suivant
leur habitude. Une d’entre elles avait dit qu’elles n’étaient pas prêtes de
partir, et que le jour où cela arriverait nous pourrions toujours attendre pour
habiter là. Puis la porte fut refermée brutalement. Mon père décida de
contacter la personne qui lui avait trouvé la première chambre louée dans
l’immeuble. L’homme avait une petite agence immobilière, et c’est lui qui était
en charge de trouver de nouveaux locataires. Il avait dit à mon père qu’il ne
se fasse pas de soucie à ce sujet, car les demoiselles étant criblées de dettes
qu’elles ne pouvaient plus payer depuis longtemps, que c’était une banque qui
avait racheté l’immeuble, et qu’elles n’avaient plus rien à dire sur le choix
des nouveaux locataires. Il ajouta qu’il allait leur parler et que mes parents
pourraient visiter l’endroit dans les jours qui viennent. Le jour convenue, mes
parents les trouvèrent dans de bien meilleurs dispositions : elles étaient
presque aimables avec eux. L’une d’entre elles leur fit visiter l’endroit en
détail. Elle insistât tout spécialement au sujet des toilettes, et plus
précisément au sujet de l’abattant des toilettes qui était en bois :
c’était solide et on pouvait s’asseoir sans problème dessus. Elle répéta
plusieurs fois : « C’est très pratique d’être assise là, oui, c’est
plus pratique d’être assise là… ». Puis, elle décida de leur révéler son
secret, celui qui se cachait derrière ses « c’est plus pratique d’être
assise là ». Elle expliqua, en mimant l’action, que, quand elle voulait
écosser des petits pois ou bien enlever les fils des haricots verts ou encore
trier des lentilles, elle laissait la porte des toilettes ouverte, mettait un
coussin sur le fameux abattant, installait un tabouret devant les toilettes et
un récipient avec les légumes dessus celui-ci, un autre récipient parterre pour
les déchets, et assise sur le « trône » elle effectuait sa tache.
C’était vraiment très pratique d’être assise là…
L’appartement était plutôt sale, malodorant et encombré d’un tas de
vieilleries juste bonnes pour la poubelle, mais une fois vidé et nettoyer, il
allait s’avérer assez confortable.
Après un peu
plus de deux ans, nous pouvions enfin vivre normalement.