L’Espagne
L’Aronde allait nous permettre
d’échapper au quotidien et, pour la première fois depuis notre arrivé en
métropole, partir en vacance. Un collègue de travail de mon père lui avait
proposé qu’ils se rencontrent pendant l’été. Cet homme était d’origine
espagnole et passait tout ces congés à Santander, pas très loin de la frontière
espagnole sur la côte atlantique. Il possédait là-bas une maison. Mes parents
avaient décidés que nous ferions du camping et que nous passerions une
quinzaine de jours à Santander. Le fameux collègue de mon père lui avait dit
qu’il saurait trouver où nous irions camper. Ma grand-mère avait un prénom
espagnol malgré qu’elle n’ait jamais mis les pieds dans ce pays : c’était
ses parents qui étaient né là-bas. Elle cultivait une certaine nostalgie de
cette contrée qu’elle ne connaissait pas. Le désir de faire plaisir à sa maman
avait pesé dans le choix de mon père. Lui, il était né à Arzew, un petit
village de pêcheur (à cette époque), où il avait côtoyé beaucoup d’espagnols.
En ce temps là, beaucoup d’entre eux venaient pêcher au large des côtes algériennes :
elles étaient réputées très poissonneuses. Certains s’y étaient même installés.
Mon père avait passé une partie de son enfance à les fréquenter. Il en avait
tiré une assez bonne connaissance de la langue ibérique et un certain désir de
connaître cette terre d’où venaient ces grands parents. L’occasion était trop
belle ! Et puis, il fallait étrenner notre magnifique Aronde avec un
voyage mémorable. Les préparatifs avaient été aussi excitants car il fallait s’équiper
de pied en cap pour notre escapade. « Le camping cela ne s’improvise
pas », avait déclaré mon père. Je l’accompagnerai donc au « vieux
campeur », un magasin spécialisé très connu. Il était à Paris et cela
avait été l’occasion d’une belle sortie du samedi. J’était émerveillé par ce
que je découvrais dans les rayons : une vraie caverne d’Ali Baba !
Sans nul doute, pour moi mon père passait pour un spécialiste du camping :
j’en ressentais une grande fierté. Et puis, tout ce matériel acheté avait à mes
yeux de gamin la valeur de présents de Noël. La tente, les piquets, cordes et
autres sacs de couchage avait remplis une bonne part du coffre de la rutilante
Aronde. Il devenait évident que celui-ci ne suffirait pas pour transporter nos
bagages et une galerie de toit allait bientôt compléter notre équipement. A la
dernière minute, ma grand-mère renonçât à nous accompagner car elle était
affligée d’un état de fatigue très important. Elle était très déçut, mes
parents et moi-même aussi. Cependant, quand je me remémore ce voyage qui tenait
en grande partie d’une expédition, il valait sans doute mieux qu’elle ne nous
accompagne pas. En fait, les bagages avaient envahis le coffre, remplis la
galerie et quelques sacs avaient finis sur la banquette arrière de
l’auto ! De plus, le voyage fut des plus long. Les routes nationales que
nous empruntions étaient très fréquentées, parfois même embouteillées, et les
performances de l’auto n’étaient pas très brillantes. En plus, le soleil était
de la fête et la voiture devenait vite un four. Nous avions fait escale chez
des cousins du coté d’Angoulême : le voyage avait pris deux jours. Cela
avait été aussi une occasion de les rencontrer. Ce voyage avait été une vraie
aventure, mais la récompense nous attendait à son terme : nous étions en
Espagne. L’installation de la tente toute neuve avait été une joie pour moi.
J’admirais la dextérité de mon père à manipuler cette carcasse de tubes, cette
poche de tissus suspendu à celle-ci et qui allait devenir la chambre et, enfin,
la toile qui allait parfaire l’œuvre. Même le montage des lits de camps avait
été une manipulation extraordinaire pour moi. C’était mes premières vraies
vacances et tout avait été si nouveau et inattendue ! C’était vraiment de
belles vacances. Le lendemain de notre arrivée, mon père avait essayé de
contacter son collègue mais l’adresse qu’il avait fournie était trop imprécise,
et personne ne semblait connaître l’endroit. Cependant, le jour d’après, une
surprise nous attendait à notre réveil : une personne appelait mon père à
l’extérieur de la tente. C’était lui ! Il nous invita chez lui pour nous
présenter sa famille, et nous étions resté une bonne partie de la journée avec
eux. Il nous donna rendez-vous pour le lendemain soir : nous irions dîner
dans un endroit très particulier. Le soir venu, il nous conduisit sur le port
en nous précisant que nous allions manger au « sardinero ». A notre sortie de voiture, nous
avions découvert que l’air était rempli de senteurs appétissantes. Plus loin,
nous allions découvrir de longs grils fumants installés à même les quais devant
les restaurants. De longues tables accompagnées de bancs étaient disposées
autour. Il y avait déjà beaucoup de monde qui dînait là. De la musique
traditionnelle et les rires des convives complétaient l’atmosphère de fête. Une
fois installé, l’ami de mon père expliqua que l’on pouvait choisir les sardines
que l’on voulait manger et qu’elles seraient cuisinées sur le grill, devant
nous, et que nous aurions une salade composée pour les accompagner. La salade était surtout
faite de tomates et elle était à volonté. Un énorme saladier avait été aussitôt
posé sur la table. C’était délicieux et le festin se termina tard dans la nuit.
L’ami de mon père, accompagné des siens, viendraient nous voir plusieurs fois
durant notre séjour. La plage, les longues promenades sur le front de mer, le
camping, tout cela avait été une merveilleuse découverte pour moi. C’était
vraiment de magnifiques vacances pour le gamin que j’étais.
A mon retour à l’école, j’avais tant de
choses à raconter à mes petits camarades ! Tout à ma joie, j’allais
oublier la déception de ma grand-mère, elle qui avait tant souhaitée voir la
terre de ses origines. Quelques années plus tard, elle allait nous quitter sans
avoir put réaliser son rêve.
Bien sûr, il y aurait d’autres vacances
et d’autres voyages mais jamais elles n’auraient le même goût que celles-ci.