Une autre…
Cette histoire d’agression m’en rappelle une autre qui s’était
produit deux ans auparavant. C’était en 1959, l’époque où mon père était en
métropole, et ma mère et moi toujours en Algérie. Ma mère, voulait aller au
cimetière fleurir la tombe de son père, la nettoyer et se recueillir un moment.
En effet, mon grand-père avait quitté ce monde un an auparavant. La famille
avait essayée de dissuader ma mère d’y
aller car, à cause des événements, la ville n’était pas sûre et les autorités
conseillaient à la population de limiter les déplacements au strict nécessaire.
Tout les jours, il y avait de nouvelles agressions, et même des bombes avaient
explosées en pleine journée à Alger et à Oran, faisant de nombreuses victimes.
Oran était la ville où nous habitions. Cependant, ma mère ne l’entendait pas de
cette oreille, et elle décida, malgré tout, qu’elle devait faire ça par respect
à la mémoire de mon grand-père. Elle avait décidé aussi que je l’accompagnerai.
Elles disaient que ces gens là étaient en conflit avec les vivants, et non pas
avec les morts, et pourquoi attaqueraient-ils une jeune femme et un petit
enfant. Oui, pourquoi ? Elle avait oubliée que souvent la violence n’a pas
besoin de raison pour éclater, et que certains contextes poussent les hommes à faire des choses insensées. La
guère était de ceux là. Il faisait beau ce jour là, mais les rues n’étaient pas
très animées. Le cimetière était loin de la maison, trop loin pour mes petites
jambes qui commençaient à flancher. Déjà, ma mère qui me tenait la main, avait
du me tirer deux ou trois fois, et nous n’étions qu’à mi-distance. Elle se
décida à me prendre dans ses bras, puis me reposa quand nous fûmes arrivé
devant le long mur d’enceinte du cimetière. Celui-ci donnait sur une large
place écrasée de soleil. En face, il y avait un bar, et trois militaires
étaient attablés à la terrasse. Ils discutaient sous un parasol et sirotaient
leurs anisettes. Ma mère avait observé un moment se mur avec une forte envie de
pleurer : au dessus de celui-ci couraient des mauvaises herbes. C’était le
signe de l’abandon du lieu. L’endroit avait été de tout temps très bien
entretenu, et maintenant celui-ci devait ressembler à une « forêt
vierge ». La peur avait fait que les vivants semblaient avoir oublier
leurs morts. Elle en était là de ses réflexions, quand soudain une bande de
jeunes arabes apparurent sur le faîte du mur. Ils criaient très forts et nous
insultaient, puis ils nous jetèrent des pierres. L’attaque avait été si
soudaine ! Alors, par réflexe, ma mère m’entoura de ses bras pour me
protéger, puis pivota sur elle-même pour chercher de l’aide auprès des
militaires. Ceux ci rigolaient très fort (il devaient ce croire dans un film)
et ils ne consentirent à se lever que quand ma mère leur sortit deux ou trois
vérités, qui les avaient bien vexé. Ils avaient fait fuir les stupides et
agressifs gamins. Une pierre m’avait blessé au front et un peu de sang coulait,
mais la surprises et la peur m’avait tétanisé et je ne pleurai pas : les
sanglots restaient bloqué dans ma gorge. Après que je fus soigné et rassuré,
nous entreprîmes, escorté par nos têtes vides en uniformes, d’aller voir si
nous pouvions entrée dans le cimetière: un superbe cadenas condamnait
l’ouverture des grilles d’entrée. Il fallait trouver le gardien pour avoir une
chance de pénétrer dans l’enceinte. Il s’était barricadé chez lui. Après nous avoir dit que ce n’était pas
raisonnable d’aller là bas, mais qu’après tout ma mère était assez grande pour
décider de ce qu’elle avait à faire, il nous ouvrit les grilles. Notre escorte
de militaires d’opérette avait disparu depuis longtemps. Le gardien avait dit
qu’il ne pouvait pas nous aider à retrouver la tombe que nous cherchions, car
depuis longtemps plus personne n’entretenait l’endroit, et qu’il avait fini par
perdre ses points de repères, et que de toute façon il ne souhaitait pas nous
accompagner. Il ajouta que nous pouvions y aller si nous le voulions, qu’il y
avait un sceau plein d’eau là « en cas pour les fleurs », et que
quand nous aurions fini on avait qu’à pousser les grilles, et qu’il les
refermerait plus tard. Il était terrifié. Ma mère avait retrouvé la tombe et
avait fait ce qu’elle avait décidé de faire. Nous restâmes un long moment. Ma
mère avait beaucoup pleuré ce jour là.
Pendant cette période où nous étions seuls, ma mère pleurait
souvent et chaque fois je l’embrassai et lui disait : « Ne pleur pas
maman, tu es trop belle pour pleurer et quand je serai grand je me marierai
avec toi… ».