La cantine
Comme l’école était assez loin de notre logis, il était devenu
difficile à ma mère de venir me chercher à l’école pour le déjeuner, donc mes
parents décidèrent de me laisser à la cantine le midi. Celle-ci occupait
l’entresol du corps de bâtiment principal de l’école. On y accédait par quelques
marches au bout de l’édifice. On arrivait directement dans une grande salle au
sol de béton brut, aux murs et au plafond recouvert d’une peinture blanche
défraîchie et par endroit écaillée. L’éclairage était essentiellement fourni
par des rangées de néons pendant du plafond au bout de fils électriques :
la lumière du jour qui traversait les soupiraux de faible hauteur et au vitres
sales aurait été des plus insuffisante pour illuminer l’endroit, même en cas de
grand soleil. Il y avait trois ou quatre rangées de longues tables aux
piétements métalliques et aux plateaux recouverts de « formica » de
couleur verdâtre entourés d’un profilé d’aluminium. De longs bancs de bois
complétaient le mobilier. Le personnel enseignant était aussi mal loti que
nous. Leur table était séparée des nôtres : ils étaient installée contre
le mur qui séparait le réfectoire des cuisines. Nos déjeuners commençaient
immanquablement par une soupe au goût de poulet ou de bœuf agrémentée
alternativement de pommes de terre bouillies ou de petites pâtes vermicelle.
Quelques fois, ces dernières étaient remplacées par de petites pâtes
« alphabet », qui nous amusaient beaucoup. Puis, venait le plat de
résistance : du poulet, du bœuf en sauce. Pour accompagner ces plats des
plus variés, on nous servait principalement des pommes de terre bouillies ou
des pattes. Et pour dessert, nous avions du fromage blanc, de la crème caramel
ou des biscuits secs. Tous les changements à l’ordinaire étaient accueillit
avec joie. Les menus n’étaient pas très variés, pourtant, pour certains c’était
meilleur que ce qu’on leur donnait lors des repas familiaux. Pour eux, le
déjeuner de la cantine était leur repas principal. Pour boire, il n’y avait
bien sûr que de l’eau du robinet, mais un écolier sur deux venait avec une
petite gourde. Elles contenaient pour la plupart de l’eau additionnée de sirop
de mente ou de grenadine. D’autres de ces gourdes contenait un liquide rosé qui
sentait fort. Je ne comprenais pas ce que cela pouvait être, et je demandais à
un camarade de me faire goûter au breuvage qu’il semblait apprécier tant. La
boisson eu un effet vomitif immédiat sur moi. L’étrange boisson était de l’eau
additionnée d’un peu de vin rouge de la plus horrible espèce, si mauvais que
même la forte proportion d’eau du breuvage ne pouvait masquer le goût
particulier de la piquette.
La quatrième années, une cantine beaucoup plus moderne fut
construite de l’autre coté de la cour. Les menus devinrent plus variés et
équilibrés, et le cadre beaucoup plus agréable.